LA PESTE A CLEDER ET PLOUESCAT
Les crises subies par la Bretagne au 17ème
siècle sont largement évoquées dans le remarquable
ouvrage d'Alain CROIX : La Bretagne au 16ème et 17ème
siècles : la vie, la mort, la foi, d'où sont tirées
les informations
qui suivent. C'est dans ce cadre périodique qu'il
faut replacer les morts de CLEDER en 1626, 1627 et 1628.
La Bretagne subit chaque année de 1625 à 1632 à l'exception de 1630 une série d'épidémies qui éclatent en fin d'été pour s'éteindre en hiver. Elles frappent généralement la Haute-Bretagne et le Vannetais, plus que le Léon ou le Trégor, protégés par leur isolement. Il en va différemment pour les années 1626 et 1627.
En 1626, l'épidémie apparaît dès le12 juin à PLOUJEAN, mais reste localisée dans la région de ST POL et MORLAIX, ce qui laisse supposer qu'elle s'est introduite par voie maritime. Elle semble totalement indépendante de la crise qui éclate dans la région de RENNES à partir de juillet.
En 1627, une nouvelle épidémie particulièrement meurtrière frappe le Léon. CLEDER, dont la population est alors de l'ordre de 2000 habitants (entre 1750 et 2250 selon les hypothèses de taux de natalité) déplore 246 décès, principalement en 1627. La ville voisine de PLOUESCAT, comparable en population perd 200 habitants entre le 24 août 1626 et la fin 1627.
Quelles sont les causes de ces catastrophes démographique ? Il semble qu'elles soient diverses. Les épidémies chroniques se réveillant chaques année sur un terrain rendu favorable par la disette engendrée par les mauvaises récoltes, elles-mêmes liées à des conditions climatiques extrêmement défavorables. 1626, année particulièrement humide avec des pluies continuelles en juin et juillet est suivie par une année 1627 qui subit des pluies jamais vues de mémoire d'homme. Les récoltes pourrissent sur pied et la famine s'installe.
S'ajoutent à ces phénomènes naturels les conséquences de la situation de la guerre avec l'Angleterre (c'est l'époque du siège de LA ROCHELLE) par crainte de débarquements anglais, le Roi envoie des troupes qui vivent sur l'habitant et constituent par leurs déplacements des accélérateurs d'épidémie. Ce dernier facteur a-t-il pu jouer pour la région de ST POL –MORLAIX ?
Avant cette série de crises des années 1626 à 1628 la région avait particulièrement souffert de la peste en 1598 et 1599 dont on ne peut mesurer les effets faute d'enregistrement. On en trouve pourtant mention dans les notes du recteur de PLOUESCAT qui fait état de 510 morts ce qui représenterait le quart de la population.
( source Jean Claude GUIRIEC, Le Lien N° 59, revue du CGF )
Les prêtres et recteurs ne sont pas plus épargnés que le reste de la population par ces épidémies. C'est ce qui explique sans doute le peu de renseignements, voire l'absence d'enregistrement sur les registres paroissiaux de ces décès. Ils sont d'ailleurs tellement nombreux par moment que le prêtre ne prend même plus la peine de noter le jour du décès et les identités lorsqu'il les connaît. La mention du nombre de morts est parfois la seule indication. Exemple : à CLEDER en 1627, vingt cinq personnes de Kerhouarz ; Cinq de Manlaouen.
Combien n'ont pas été notés ?
Autres vecteurs de contagion de cette terrible maladie, la promiscuité, l'absence d'hygiène et l'ignorance totale par les populations touchées de la nécessité d'une quarantaine. L'exemple suivant, relevé sur le registre de CLEDER en 1628, en est la meilleure démonstration :
"
Marguerite DOT veuve de François BERNARD, mère de Marguerite
BERNARD étant venue enterrer ses défunts fille et fils et
enfants après de la peste, fut atteinte du même mal, se retira
à ROSCOFF où elle décéda le 27 octobre "
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décès
Sur la page de garde du registre baptismal de PLOUESCAT 1627 – 1647 on peut lire après l'ouverture du cahier le premier jour de l'an 1627
" étant pour lors recteur et soubzcuré de PLOUESCAT Vénérables messires Yves André " un second paragraphe signale que la peste sévit à PLOUESCAT, savoir " la contagion commença à PLOUESCAT au terroir de Lesnelchen le vingt et quatre d'aoust en l'an mil six centz vingt et six, laquelle contagion a esté cause de la mort de plus de deux centz personnes à ce jour, Yves ANDRE prêtre soubcuré."
Cette épidémie qui va durer jusqu' en 1628 a donc causé à PLOUESCAT 200 morts dans les quatre premiers mois, de fin août 1626 au 1er janvier 1627.
A PLOUESCAT le registre des sépultures ne commence
qu'en 1669-1670. Seul le registre des baptêmes existe pour cette
époque.